Menaces

Les récifs d’Hermelles ne sont pas exempts des effets de la pression humaine sur le littoral.  L’histoire de la relation entre les hommes et les récifs n’est pas nouvelle et a connu de nombreuses divergences.  Dès 1832, Audouin et Milne-Edouards parlaient des Hermelles comme d’un « ennemi dangereux pour les huîtres … qu’il conviendrait peut-être de chercher à arrêter le progrès … et de détruire ».  Les naturalistes comme De quatrefages (1854) sauront faire ressortir l’unicité et la curiosité liées aux récifs d’Hermelles. Mais dès 1921, un rapport de l’Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes rédigé par Dolfus classe les Hermelles comme « maladies et ennemis des huîtres ».

                   

Ce n’est véritablement qu’à partir de 1970 avec les travaux d’Yves Gruet que des études scientifiques commenceront à mettre en évidence l’intérêt biologique de ces bioconstructions et l’impact possible des pressions humaines. 

Deux types de pressions peuvent être recensées et classées en pressions directes et indirectes. 

Les pressions directes prennent la forme de dégradations physiques dues principalement à la pêche à pied.  L’action mécanique de piétinement des récifs par les pêcheur et la destruction des blocs de récifs pour déloger crabes, palourdes, huîtres ou moules représente la dégradation la plus visible.  La pêche à pied génère une fragmentation de l’habitat récifal qui a des conséquences sur la diversité de la faune associée aux récifs ainsi que sur la survie des récifs, de petits blocs étant plus sensibles à l’action mécanique des vagues. L’arrachage des épibiontes telles que les huîtres provoque également une dégradation de la surface récifale qui est alors plus facilement colonisée par les huîtres.  Un cercle sans fin et sans solution viable pour le récif débute alors. 

 

Les pressions anthropiques indirectes affectent les récifs de façon plus pernicieuse et sur des échelles de temps plus longues.  L’exemple du plus grand récif européen situé en baie du Mont-Saint-Michel illustre l’ensemble de ces pressions. 

Entre le récif et les eaux plus au large se trouve désormais une barrière continue de structures conchylicoles (tables à huîtres et bouchots à moules) dont les larves trouvent comme support immédiat la structure récifales (engendrant les conséquences mentionnées plus haut) parfois recouverte à 100%.

 Le récif alors étouffé n’est plus entretenu par les vers et s’érode rapidement sous l’action mécanique des vagues.  Les bouchots à moules situés devant le récif modifient également l’hydrodynamisme local et freinent de façon conséquente les courants du large.  Juste en arrière de ces bouchots se crée donc une zone de dépôt des particules fines (les vases) qui sédimentent au niveau des récifs.  De récentes études montrent un envasement progressif des structures récifales et une augmentation de la turbidité qui gène considérablement l’alimentation des Hermelles. 

 

En effet, les filaments tentaculaires de Sabellaria alveolata se colmatent avec une augmentation des vases et les vers captent donc moins de phytoplancton (Dubois et al. 2009).  Une autre pression anthropique indirecte est causée par les proliférations d’algues vertes (ulves et entéromorphes) issues des apports terrigènes.  Le récif offre une structure solide sur laquelle se fixent ces algues, recouvrant à marée basse de larges portions de récif.

Les conséquences se font surtout sentir à marée haute car ces macroalgues oscillent avec les courants de marée et empêchent les larves d’invertébré de se fixer sur les récifs.  Il a ainsi été montré que les zones où se développaient les ulves souffraient d’un déficit en recrutement de juvéniles d’Hermelles, nécessaire au maintien et à la résilience des récifs (Dubois et al. 2006).